à JACQUES-PIERRE,

 Jacques Pierre

 

 

 

 

 

 

 

Un de ces derniers jours du Printemps des Poètes, JACQUES-PIERRE a rejoint sa muse, Barbara, celle à qui il écrivait :

 

Veux-tu partager ma mansarde

Ma cruche d’eau

Et mon amour

 

Ils partageront désormais la même place d’absence dans le cœur et l’esprit de tous ceux qui les ont connus.

 

 

 

 

La Taverne aux Poètes est en deuil. JACQUES-PIERRE qui, depuis 1966, avait su créer et faire vivre cette association littéraire et artistique nous a quittés. Depuis ses seize ans, il vivait en poésie. Tentant comme disait Jean Cocteau de « mettre sa nuit en plein jour », son chemin croisa beaucoup de cercles littéraires, d’associations poétiques. Il entra d’abord au « loquet vert » de Joseph Boutin, avant de créer « la Mansarde », puis il fut admis au « Grenier à sel ». Lorsqu’il créa la Taverne aux Poètes, il ne voulut pas que ses membres prennent le nom de poètes. Joseph Fumet l’avait si bien dit : « se décerner à soi-même le titre de poète équivaut à se prétendre capable d’apprivoiser l’oiseau bleu pour le mettre en cage ». Pour lui un poète était un artisan, « l’artisan des mots ». Il baptisa les membres-écrivant de la Taverne « les poésiens ». Ainsi que l’écrivait Michel Bondu dans ce beau texte des poésiens dont je reprendrai deux strophes :

 

Ils vont d’un pas léger les magiciens du verbe

Comme passe l’oiseau dont l’aile effleure l’herbe

Un rêve les devance et les guide sans bruit

Ils sondent le silence unique en est le fruit. (…)

 

Viennent les poésiens illuminer le soir

Ils célèbrent la vie quand s’estompent l’espoir

Si le monde apeuré saisissait leur langage

L’azur serait plus vif lavé de tous nuages.

 

Ils veillent dans la nuit les artisans du verbe (…)

 

JACQUES-PIERRE, suivant son rêve, tenant bien haut allumée la lampe de la poésie, a illuminé le quotidien de beaucoup de ses contemporains. Il a créé de nombreuses associations dont « Les écrivains et Poètes de l’Anjou ». Pierre DABIN qui en fut longtemps Président saluait ainsi JACQUES-PIERRE dans la postface d’un de ses nombreux livres :

 

« … Se rappelle-t-il de nos rêves de quatre sous, quand les enfants que nous étions et que nous redevenons dans les meilleurs de nos jours partaient à la conquête d’immensités imaginaires ? (…)

Alors, compagnon de route devenu l’Ami, va toujours ! … Sème tes chants, tes images, tes fleurs de souvenirs séchées entre deux pages… Et effeuille en passant ton âme de vagant inspiré qui distribue ses pétales de nostalgie.

Ce sont les empreintes que laissent les vrais Poètes, celles dans lesquelles tant d’esseulés mettent leur pas… »

Nombreux sont ceux qui ont mis leurs pas dans les pas de JACQUES-PIERRE, ce vrai Poète, cet homme attaché aux valeurs de rencontre et de solidarité, toujours prêt à aider un jeune souhaitant se lancer sur les chemins difficiles de l’écriture. Il a marqué profondément la vie culturelle et artistique de l’Anjou en instaurant des rencontres littéraires, des Prix et Concours de Poésie, des salons artistiques dont la Biennale de Baugé et 49 Regards. Il a aussi créé le Collège des Chevalets d’Or. Provoquant des rencontres artistiques à Nantes, au Mans, à Tours, Orléans, et jusqu’à Paris, son talent a largement débordé les frontières de l’Anjou. Et lorsque nous faisons connaître notre appartenance à la Taverne aux Poètes, très souvent, des gens viennent nous dire : je connaissais bien JACQUES-PIERRE… il y a quinze ans… vingt ans…. Trente ans… Des centaines de personnes ont connu la Taverne aux Poètes et JACQUES-PIERRE.

 

Bien sûr, il était aussi connu, et reconnu pour ses nombreux livres. Depuis son premier recueil « Lune de ruelles » en 1954, suivi de La ballade des gueux, suivi de Ritournelles pour toi, Clopin-clopan, Le bal des loqu’teux, Roses rouges et roses noires, Poèmes à Barbara, Musardines, Humourettes, Humeur et humour, et enfin le recueil Poèmes de 1954 à 1994, il fut aussi à l’origine de nombreuses anthologies dont je ne citerai que « Poètes de chez nous, Artistes Angevins d’Aujourd’hui, Les Poètes et la Loire en Anjou, Le chat et les artistes, Poésiens d’Anjou. Il a aussi fondé des revues littéraires : Vers l’espace avec Gérard Brecq, et bien sûr les Cahiers de la Taverne aux Poètes. Ses poèmes, à la fois sensibles et pleins d’humour, chantaient les paysages urbains, les rencontres de hasard, les personnages un peu paumés, hauts en couleur,et bien sûr le Poète :

 

« Avec ses tripes

il a gueulé

à tous les vents sa liberté

 

Dans son cœur

il a fabriqué

du rêve pour tous les paumés. »

 

Parfois il évoquait les gens du cirque, les bohémiens, les personnages de la Commedia dell’ Arte. Sous l’humour et les coups de griffe, souvent la nostalgie, les regrets étaient bien présents, lorsqu’il confiait :

 

« J’ai trop mal pour rêver dans le silence qui s’embrume,

près du pont de la Maine…

ou encore

« Sanglots d’automne

sur Loire en deuil.

Et le poète inconsolé

en silence pleure sa muse. »

 

Mais, même lorsque, désabusé, il s’identifiait au Vieux clown « titubant sur un fil de lumière » le poème si triste s’achève par « Mais le clown n’est pas mort. Un clown ne peut mourir. » Le poète non plus ne peut pas mourir, lui vivra toujours à travers ses textes.

Et je dirai comme Pierre DABIN, s’adressant au Passeur du dernier fleuve :

 

Dernier passeur, tu peux tout prendre

De mon si petit baluchon

Roi des voleurs, tu peux tout vendre,

Et jusqu’à mon dernier crayon !...

 

Mais je me garde mes poèmes

Avec leurs vers de mirliton

Ils sont les fleurs de marjolaine

Qui resteront dans ma maison

… Au milieu de tous ceux que j’aime !...

… Durant ma cinquième saison.

 

JACQUES-PIERRE est entré dans sa cinquième saison, loin de nous ses amis, sa famille, mais il nous a légué, bien plus que des vers de mirliton, le trésor des mots. Et nous, nous garderons précieusement son souvenir et ses poèmes et fidèlement continuerons à œuvrer, en mémoire de lui, pour la poésie.

 

 

 

 

 

 

Retour à l'accueil